"Le terme d'économie collaborative a fait une entrée fracassante dans le langage courant. Sous ce terme, qui désigne à l'origine toutes les formes d'échanges de services entre acteurs organisés en réseau, le plus souvent autour de plateformes numériques, on range aujourd'hui aussi bien des sociétés comme Airbnb ou Uber, dont les chiffres d'affaires atteignent plusieurs milliards de dollars, que des communautés fondées sur l'échange non marchand et le partage de valeurs. Comme les autres domaines de l'économie, l'architecture, la ville et les territoires se trouvent largement influencés dans leurs modes de production et de fonctionnement par cette lame de fond qui revendique des processus plus démocratiques et plus horizontaux, où l'usage prend le pas sur la propriété.
Reprendre la main, faire par soi-même, produire et consommer local, partager son savoir et ses biens avec les autres en limitant les intermédiaires sont quelques-unes des promesses que porte l'économie collaborative, aux–quelles criticat a choisi de s'intéresser dans ce débat, à travers l'analyse de deux plateformes à succès, à chaque extrémité du spectre : Airbnb et WikiHouse.
La première, par sa dimension globale et communautaire, agit sur l'espace de l'intimité autant que sur les marchés de l'immobilier, le visage et l'usage des villes. La seconde, en offrant la possibilité, à l'aide de fichiers open source et d'une fraiseuse numérique, de construire sa propre maison, prétend ouvrir de nouvelles perspectives aux citoyens ordinaires en dehors des circuits traditionnels de production du logement.
Entre aventure « start-upiste » à gros rendement financier, passe-temps pour geeks et utopie participative, ces nouvelles pratiques peuvent-elles influencer positivement celles du monde de l'architecture ? Et si le maître mot n'était pas économie collaborative, ni plateforme numérique, mais communauté, comme le souligne p.m, l'un des fondateurs de la coopérative de logements Kraftwerk, dans son dernier ouvrage Voisinages et Communs (2016) : « Partager sans communauté - comme le propose l'Internet sous de nombreuses formes - ne conduit pas à des usages égalitaires des biens communs et à un soutien mutuel, mais privilégie ceux qui ont quelque chose à partager et, en dernière analyse, ne fait qu'instaurer une nouvelle forme de commerce. »
Parce qu'elle transforme et diffuse différemment les savoirs de l'archi–tecture et en reconfigure les métiers, la pratique et même l'économie, il est urgent, en tout cas, d'examiner à travers ce prisme cette nouvelle mise en partage du monde."