Dossier consacré au thème de la ruine
Sommaire :
Les ruines : déploration, fascination et réemploipar Jean-Pierre Le Dantec
Matière de travail pour les archéologues, la ruine a longtemps été un objet de contemplation pour les peintres, au point de créer une mode “ruiniste” au XVIIIe siècle. Et les fragments réels exposés sur le site de l'École des beaux-arts dès 1795 confirment cette fascination. Depuis, entre ruines authentiques et fausses ruines, les artistes contemporains, dont Gordon Matta-Clark, ont pris la relève à leur manière, tandis que les paysagistes semblent s'en donner à cœur joie. L'abandon est un sujet inépuisable.
L'urbicide : un champ de mines mémorielpar Philippe Trétiack
Le ruin porn, cette fascination pour les ruines, semble s'expliquer par la débauche d'images qui nous submerge. Mais Goya déjà aimait les peindre. Traumatiques, les ruines de guerre nous hantent, nous interrogent. Pourquoi ?
Infrastructures et mégaruinespar Baptiste Boleis
Indispensables en leur temps, certaines infrastructures n'échappent pas à l'obsolescence. Des gares aux aéroports en passant par les lignes de chemin de fer, se pose alors la question de leur reconversion. Mais avant cette mutation, la grande échelle a inspiré les architectes comme les artistes.
Fragments d'un discours ruineuxpar Manuel Tardits
Vous avez dit haikyo ? À la ruine, le Japon préfère, semble-t-il, la reconstruction à l'identique. La leçon du temple d'Ise fait figure de paradigme dans l'archipel. Cela n'a malheureusement pas empêché la destruction de la tour Nakagin à Tokyo, l'une des icônes de la période métaboliste.
Angles de vue sur la ruinepar Pierre-Louis Faloci, Marc Barani, Philippe Prost, Xu Tiantian
On aurait pu s'adresser à des archéologues, évidemment très pertinents sur le thème. Mais Archiscopie a préféré interroger quatre architectes qui ont eu l'occasion de se confronter d'une manière ou d'une autre dans leurs projets à la question de la ruine. En France comme en Chine, le sujet du patrimoine abandonné suscite des réponses variées mais non contradictoires. Tandis que Philippe Prost pose la question du temps en termes d'obsolescence et de permanence, et que Pierre-Louis Faloci en appelle à l'imaginaire mental, Marc Barani et Xu Tiantian se rejoignent pour voir la ruine comme un potentiel, riche d'opportunités stimulantes. Réflexion sur le patrimoine à revitaliser.
Dialoguer avec les ruines et le génie du lieupar Christine Desmoulins
Doctrine, intuition, culture… Que doit-on à la ruine ? Comment préserver sa poésie, son génie et son charme indicible quand un dialogue s'instaure pour la sauver, la révéler, la magnifier ou la faire vivre ? Au-delà de la nostalgie romantique d'un Ruskin ou d'un Baudelaire, des œuvres modernes et contemporaines constituent des repères.
Regarder au-delà des ruinespar Léo Diehl-Carboni
La relation de la ruine à la nature incite à la quête. Sur les traces de Pascal Quignard, c'est une recherche en vraie grandeur. Pour mieux comprendre le contexte et être à l'écoute des vieilles pierres, il faut arpenter les lieux et prendre le temps de les dessiner. Dans la diversité de ses paysages et de ses topographies, la Corse se prête particulièrement à cette démarche. C'est alors que les choses peuvent entrer en écho avec certains projets contemporains en Chine, aux Pays-Bas ou dans les Pyrénées-Orientales.
La marque espagnole dans les traces du tempspar Francis Rambert
Y aurait-il une façon particulière de traiter la ruine au sud des Pyrénées ? Confrontés aux vieilles pierres, les architectes espagnols ne manquent pas de stratégies pour revitaliser les lieux. Entre mémoire et projet, le déjà-là, abandonné, souvent mal en point et même en fragments, est une source intarissable. L'option transformation peut alors réserver des surprises.
Entre reliques physiques et renversement du regardpar Joachim Lepastier
Le cinéma se nourrit aussi de la matière des ruines. De Rossellini, au cœur d'un Berlin détruit, à Jia Zhang-ke, saisi par une ville engloutie pour les nécessités d'un grand barrage chinois, en passant par Tarkovski, infiltré dans un site industriel désaffecté qui annonçait Tchernobyl, le regard des réalisateurs nous interroge sur un état du monde, pour le moins fragile. Entre sacrifice et abandon, le lieu de désolation comme la ville meurtrie sont alors appelés à la résilience.
L'expérience de la ruine - Repères chronologiques, 1959-2024par Christine Carboni