"En 1914, l'usine Guilliet faisait vivre directement près d'un habitant sur dix à Auxerre. Les relations sociales y restaient encore fortement entachées de paternalisme, comme du temps du petit atelier artisanal de son fondateur François Guilliet (1823-1901). Au cours des quatre années suivantes, elle participa à l'effort de guerre en produisant obus, tours et presses pour la Défense nationale. Ses effectifs triplèrent quasiment, et elle devint alors une véritable armée.
La Grande Guerre semble avoir modifié fondamentalement les relations sociales au sein de l'entreprise auxerroise. À partir de 1916, une série de mouvements sociaux y éclatèrent. Le point d'orgue fut atteint le 10 mai 1920, quand une grève y fut déclenchée à l'instigation de quelques militants révolutionnaires. Considérant que les revendications purement corporatives étaient dépassées, ils appelèrent les travailleurs à réclamer la transformation du système économique par la nationalisation immédiate des chemins de fer, des mines, des forces hydrauliques, de toutes les richesses naturelles, la cessation des expéditions coloniales etc. Cette politisation du mouvement provoqua une scission au sein du mouvement ouvrier avec la création d'un puissant syndicat jaune, consacra la rupture du compromis républicain conclu en 1902 entre radicaux et une partie des socialistes - pourtant bien ancré à Auxerre - et conduisit, après la forte répression patronale, judiciaire et gouvernementale, à l'effondrement syndical et à une crise du socialisme.
Pour comprendre les bouleversements au sein de l'usine Guilliet durant la Grande Guerre, l'auteur essaie de répondre aux questions suivantes : pourquoi le syndicat se renforça-t-il pendant la guerre ? Exista-t-il des correspondances entre faits militaires et mouvements sociaux ? Entre faits militaires et phases de hausse brutale des prix? Les actions syndicales et politiques à l'usine suivirent-elles toujours celles enregistrées dans la capitale si proche ? Les revendications furent-elles uniquement corporatistes ? Quelles modalités d'action furent mises en oeuvre ? Quel fut le rôle des femmes? Celui des mobilisés? Exista-t-il un décalage entre le sommet et la base? Dans quelles tendances de la CGT s'inscrivirent les actions ouvrières? Quels furent les liens entre le syndicat et le parti socialiste ? Quel fut le rôle des pouvoirs publics ? Quel fut le jeu des patrons ? L'antimilitarisme si virulent d'avant-guerre s'évapora-t-il complètement dès août 1914 ? Renaquit-il de ses cendres par la suite ?"
Sommaire :
Avant-propos
Introduction
Chapitre I - La situation au 1er août 1914
Chapitre II - L'entrée en guerre, 1914-1915
Chapitre III - 1916 et le réveil militant
Chapitre IV - Fin 1916-août 1917 : une période d'incertitude s'ouvre
Chapitre V - L'approfondissement des cassures : de juillet 1917 à la fin de la guerre
Chapitre VI - Les débuts de l'après-guerre, novembre 1918-décembre 1919
Chapitre VII - 1920 : l'année du basculement
Conclusion